Comprendre la courbe du deuil face au changement : enjeux et leviers d’accompagnement #
Origine et évolution du concept de courbe du deuil appliquée au changement #
Le modèle de courbe du deuil, forgé par Elisabeth Kübler-Ross, trouve sa source dans les années 1960. Initialement centré sur le processus de deuil lié à la perte d’un être cher, il s’articule autour de différentes phases qui traduisent la manière dont l’humain traverse une perte significative. Rapidement, ce schéma a dépassé le strict cadre du décès pour être adapté au monde de l’entreprise, prenant toute sa place lors de restructurations, de changements de rôle ou d’introduction de nouvelles technologies.
L’impact de ce modèle dans la compréhension des réactions humaines tient à sa capacité à traduire de façon universelle les bouleversements associés au changement. Aujourd’hui, les organisations s’appuient sur ces enseignements afin d’identifier les réactions collectives et individuelles lors d’une transformation, et de préciser les leviers d’accompagnement adaptés à chaque étape. En 2022, un grand groupe de l’industrie agroalimentaire française a intégré ce modèle dans l’ensemble de ses parcours de formation pour managers, constatant une amélioration de la communication et un allègement des tensions lors d’un plan de mobilité interne.
- Origine clinique : issue de l’accompagnement des patients en fin de vie.
- Transposition organisationnelle : intégration massive dans les formations RH et les démarches de conduite du changement depuis les années 2000.
- Impact sur la gestion humaine : favorise l’identification des stades émotionnels, l’adaptation des outils de communication et la dynamique d’équipe.
Décrypter les phases émotionnelles de la courbe du deuil lors d’un changement #
La courbe du deuil appliquée au contexte du changement se compose de plusieurs étapes, chacune marquant une dynamique spécifique. Ces phases ne se succèdent pas toujours dans le même ordre et leur durée varie selon la personnalité, l’intensité du changement ou la culture de l’organisation.
- Choc : à l’annonce d’un changement majeur, une sidération s’installe. En 2024, lors de la fusion de deux institutions bancaires suisses, de nombreux salariés ont décrit une sensation de « vide » et d’incrédulité lors de la notification officielle.
- Déni : les collaborateurs refusent d’admettre la réalité, minimisent la portée de la transformation, ou se raccrochent à l’ancien mode de fonctionnement. Cette phase, observée lors de la digitalisation des services publics, se traduit souvent par le maintien des habitudes malgré la mise en place de nouveaux outils.
- Colère : la frustration monte, visant parfois la direction ou les porteurs du changement. Ce fut le cas lors de l’introduction du travail hybride dans une société énergétique en 2023, où des tensions fortes et des débats houleux sont apparus en réunion d’équipe.
- Négociation : face à l’inéluctabilité du changement, les personnes cherchent à rétablir le statu quo, négocient des aménagements ou des délais. En 2021, lors de la généralisation du télétravail, nombre de salariés ont tenté d’obtenir des dérogations ponctuelles ou des exceptions d’organisation.
- Dépression : la prise de conscience de la perte s’accentue, engendrant une forme d’abattement, voire de retrait. Plusieurs études en ressources humaines constatent alors des baisses de performance ou des absences prolongées.
- Expérimentation : un glissement s’opère vers l’ouverture, certains essaient d’adopter les nouvelles méthodes, testent les outils et s’impliquent dans la co-construction de nouvelles pratiques. Les managers observaient en 2023, lors de l’implémentation d’un nouvel ERP, une hausse des propositions d’amélioration ou de tutorats spontanés après quelques semaines de flottement.
- Acceptation : l’individu entre dans une phase d’intégration, il adopte les nouveaux repères, contribue à la stabilisation de la dynamique, et reprend confiance. Un exemple marquant a été relevé en 2022 chez un acteur du transport public, où l’engagement des agents envers la nouvelle grille horaire a retrouvé son niveau d’avant-crise après 9 mois.
Le processus demeure cyclique et non linéaire, de sorte qu’il n’est pas rare de revenir à une étape précédente si des éléments déclencheurs surviennent en cours de route.
Signaux et indicateurs clés pour repérer le positionnement sur la courbe du changement #
Repérer précisément où se situent des collaborateurs ou des individus sur la courbe permet d’adapter notre stratégie d’accompagnement et de proposer une réponse ciblée. Les observations de terrain réalisées lors d’importantes mutations sectorielles montrent que chaque phase s’exprime par des signes distincts, parfois subtils.
- Choc : sidération, immobilisme, silence inhabituel, absences répétées en réunion.
- Déni : rationalisation excessive, contestation des données, poursuite des anciens rituels malgré les consignes, hausse des erreurs involontaires.
- Colère : hausse des conflits, remontées d’insatisfaction, prises de paroles véhémentes lors des entretiens collectifs, messages critiques sur les réseaux internes.
- Négociation : multiplication des sollicitations pour des aménagements, hausse des demandes RH, recours plus fréquent à la hiérarchie intermédiaire.
- Dépression : désengagement, baisse de prise d’initiatives, sous-performance, arrêts maladie, fatigue exprimée en entretien.
- Expérimentation : propositions d’amélioration, élargissement du cercle des « testeurs » de nouvelles pratiques, feedbacks constructifs.
- Acceptation : sentiment d’apaisement, retour de la convivialité, émergence de projets collectifs, auto-évaluation positive.
La capacité à identifier ces signaux s’avère déterminante pour prévenir les blocages et réallouer les ressources d’accompagnement au bon moment. En 2023, le CHU de Strasbourg a renforcé ses dispositifs d’écoute en analysant les verbatim des entretiens annuels, révélant un glissement collectif de la phase de négociation à celle de l’expérimentation en moins de 6 mois suite à la refonte de la gouvernance médicale.
Rôle du temps et de l’efficacité dans la traversée du processus de deuil lié au changement #
Deux axes fondamentaux structurent la courbe du deuil lors d’une recomposition profonde : celui de la temporalité et celui de l’efficacité. D’un côté, chaque individu a besoin d’un délai plus ou moins long pour franchir chaque étape émotionnelle. De l’autre, le niveau d’efficacité individuelle ou collective suit une trajectoire descendante avant de se redresser une fois l’acceptation amorcée.
Observons les résultats issus de la digitalisation opérée en 2021 dans un groupe pharmaceutique allemand : la performance des équipes a chuté de 18 % durant la phase de négociation et de dépression, avant de remonter progressivement avec la généralisation des pratiques numériques. L’analyse croisée de la performance et du climat social a permis d’ajuster la charge de travail et d’éviter l’érosion des talents les plus exposés au stress. La temporalité du deuil est donc stratégique, car une pression excessive pour accélérer le mouvement risque de prolonger les blocages.
- Courbe d’efficacité : observe une baisse lors des phases de rupture, une stabilisation pendant la dépression, puis une remontée à partir de l’expérimentation.
- Gestion du temps : la durée des phases varie selon la culture d’entreprise, la cohésion d’équipe, la qualité de la communication descendante.
Nous avons la conviction que laisser le temps à la transition et reconnaître la fluctuation d’efficacité constituent deux leviers majeurs pour restaurer la motivation et l’engagement collectif.
Dépasser les résistances : stratégies pour favoriser la résilience et l’adhésion #
Les résistances au changement sont ancrées dans la perte des repères et représentent un défi permanent pour tout pilote de transformation. Les expériences en accompagnement du changement montrent que la résilience s’installe plus durablement grâce à des méthodes concrètes centrées sur l’écoute, la pédagogie et la reconnaissance des émotions traversées.
- Groupes de parole : le Service Informatique Régional d’Île-de-France a mis en place en 2023 des ateliers de discussion mensuels, permettant aux agents d’exprimer librement leurs doutes et colères lors de la migration totale des postes de travail vers le cloud.
- Coélaboration : dans la grande distribution, la refonte des schémas logistiques en 2022 a été accompagnée d’équipes projets mixtes, impliquant terrain, encadrement et direction, pour ajuster les modalités au plus près des réalités métiers.
- Coaching individuel : plusieurs directions générales ont systématisé des temps de coaching individuel lors de réorganisations majeures, favorisant l’expression de la peur, puis l’identification des points d’appui internes.
- Pédagogie sur les bénéfices : en mettant en avant les leviers de croissance ou les opportunités de montée en compétence, les responsables d’accompagnement parviennent à réorienter les perceptions vers le long terme.
Le désamorçage des résistances s’opère aussi par la reconnaissance explicite des efforts fournis, l’instauration de rituels de célébration des succès intermédiaires, et l’ajustement régulier de la communication managériale selon le positionnement collectif sur la courbe.
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Intégrer la courbe du deuil dans les pratiques de gestion du changement #
L’intégration pragmatique de la courbe du deuil dans les démarches de transformation s’avère pertinente à plusieurs égards. Les dispositifs RH, l’accompagnement managérial et les outils d’auto-coaching bénéficient tous d’une appropriation fine de la dynamique émotionnelle du changement.
- Dispositifs RH : en 2024, la DRH du groupe hospitalier des Hauts-de-France a créé un référentiel interne adossé à la courbe du deuil pour former ses cadres à l’identification des signaux faibles et à la gestion des situations de rupture.
- Accompagnement managérial : la pratique du feedback régulier, la modulation des messages selon la phase détectée, ou l’organisation de moments de refonte participative des outils permettent de préserver l’engagement et de restaurer la confiance.
- Auto-coaching : l’appropriation du modèle par les salariés eux-mêmes leur donne des clés pour se situer, verbaliser leur ressenti, ajuster leurs propres routines et solliciter un accompagnement cible au bon moment.
Notre expérience démontre que la prise en compte de la courbe du deuil dans la politique de conduite du changement démultiplie l’efficacité des plans de communication, fluidifie les relations managériales et facilite la mise en mouvement des équipes. En restant en veille face à la progression sur la courbe, nous identifions plus aisément les moments propices à la mobilisation, à la formation ou à la valorisation des initiatives réussies.
Plan de l'article
- Comprendre la courbe du deuil face au changement : enjeux et leviers d’accompagnement
- Origine et évolution du concept de courbe du deuil appliquée au changement
- Décrypter les phases émotionnelles de la courbe du deuil lors d’un changement
- Signaux et indicateurs clés pour repérer le positionnement sur la courbe du changement
- Rôle du temps et de l’efficacité dans la traversée du processus de deuil lié au changement
- Dépasser les résistances : stratégies pour favoriser la résilience et l’adhésion
- Intégrer la courbe du deuil dans les pratiques de gestion du changement